Around 6PM (loc.jdkl.) : 14ème album de JudokA. En référence à l’heure inhabituelle où il a été improvisé entre 18h et 20 h. Retour à une formation plus resserrée et à une orchestration plus simple.//. Blues, rock. //. Album enraciné et fiévreux, avec quelque chose de tremblant et de moins sûr, qui confère un je ne sais quoi sismique et mystérieux.//. Rock on. In my brain. Find a world.
***************
CRITIQUE DE L'ALBUM "AROUND 6 PM" PAR PIERRE FRANCOIS KERGUEDRAN (Melomania, 57)
Certes, on ne sait pas si ce 14ème album de JUDOKA donne lieu à un renouvellement en profondeur. Néanmoins, il apparaît de prime abord qu’« Around 6-PM » tranche radicalement avec les derniers opus du groupe. Plus court dans sa forme, plus concis dans sa réalisation, cet ensemble de 6 titres - alors que le groupe nous avait habitués jusqu’alors à des albums plus prolifiques - se veut aussi plus homogène et plus simple. Revenu à une formation en trio - ce que l’on n’avait plus entendu depuis « Lumières Judokales » - le groupe fait également l’expérience de restreindre le temps de sa session. De fait, il en ressort un album où tout paraît plus re-serré autour de la musique : de là, sans doute, non seulement l’intimité éloquente qui émane de l’album à la première écoute, mais aussi la densité qui s’en dégage et la con-centration de son propos où le choix de bases résolument Rock semble s’être imposé comme une évidence. A dire le vrai, nous n’avions jamais ressenti aussi nettement la radicalisation avec laquelle JUDOKA, par soubresauts cycliques, exprime la volonté de re-centrer ses intentions autour de sa musique. Avec « Retour sur Terre » et « Lost Highway », JUDOKA nous avait déjà contraints à de telles brusqueries, pour ne pas dire de telles contorsions, vers des productions plus racinaires et roots. Pour autant, à ceux qui suivent le groupe depuis ses débuts, la fermeté, affirmée et presque intransigeante, dont fait preuve le groupe pour se ré-assurer, à grands renforts de basses enterrées et sourde et de guitares épaisses, par ce qu’il pense être la véracité – l’âme, se risquerait à dire le KA ; la tension penserait Ju - de son existence, reste pour le moins étonnante. Les questions d’ordre existentiel, qui interrogent principalement le sens de l’identité de JUDOKA, sont en elles-mêmes constitutives du processus de création du groupe et, à travers lui, jalonne le sens de son histoire. En cela, ce questionnement auto-centré est porteur d’un mécanisme évolutif - dont nous sommes désormais coutumiers – qui consiste premièrement à porter le groupe de soi vers l’exploration de ce qui lui est étranger, de s’en étonner et, par cet étonnement, de s’y plaire ; puis, par crainte anticipée de s’y complaire, d’aimer s’y faire peur, et ce, dans le but implicite de mieux vouloir en revenir. Aussi bien, à notre compréhension d’« Around 6 P-M » par ce qui l’oppose aux autres albums, il semble tout à fait opportun d’apposer celle, également légitime, qui envisage ce par quoi et de quoi JUDOKA veut au mieux revenir dans son dernier album. Il est un fait - et la rédaction en convient de façon unanime – que « Strike » et « Towers Alchimery », après l’album « Where We are », ont pu porter les stigmates d’une forme de complaisance, sinon d’auto-satisfaction, tant les albums, qui ne sont pas déplaisants par ailleurs, révèlent, faut-il le reconnaître, plus de tiédeur et moins de fulgurance, plus de paresse et moins d’énergie, plus de convenance et moins d’ambition que leur prédécesseur. Malgré tout, nous ne pouvons pas négliger quelques trésors cachés dont le groupe aura su conserver le secret. « Lose You », « Pretending » et « No way » sont, à cet égard, des balades élégantes, jouées avec raffinement. L’ensemble, à l’instar de « Memory », « Meteor » ou encore des « Sentiments », porté par la sensibilité du Ka, ne manquent certainement pas de douceur, de tendresse et de charme. Mais force est de constater qu’il manque comme un peu d’aventure et de conquête, peut-être un peu d’impertinence, peut-être un peu d’erreur, pourquoi pas de déraisonnance, pour que « Strike » et « Towers Alchimery » soient tout à fait convaincants. A cet égard, on peut comprendre que JUDOKA soit re-venu de ce qui pouvait tenir lieu, même en filigrane, d’une musique quelque peu romantico-chansonne et doucereuse, à deux pas de virer douçâtre et lassante. Par bonheur, JUDOKA sait se faire peur. « Rock On », « In my brain », « Around 6 P-M », sont plus enracinés, fiévreux, avec quelque chose de tremblant et de moins sûr, mais de fait, également plus sismique et mystérieux, qui donne non pas envie d’en revenir mais d’y revenir. Que dire alors du prophétique « Find a World », sinon que, par lui, nous sommes fin prêts pour re-partir avec JUDOKA vers de nouvelles explorations ?