Retour sur Terre (loc.jdkl.) : 4ème album de JudokA. Le retour après l’ascension de "Helium". Brutal, sombre et mélancolique. Sans être sordide, inexorablement triste et vengeur. D’aucuns considèreront qu’il s’agit de l’Album judokéen à écouter une fois par an et à consommer avec modération.
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CRITIQUE DE L'ALBUM PAR PIERRE FRANCOIS KERGUEDRAN (Melomania, 38)
Enfin disponible, le quatrième opus de JUDOKA est celui qui, à sa sortie, suscite le plus de controverses auprès des critiques et des auditeurs, et ce, quelle que soit leur culture musicale. Au sein même du groupe, nous avons appris récemment que les avis restent partagés. Julien, dont on connaît le talent d’arrangeur, conserve une distance circonspecte quant à cette nouvelle production. De son propre aveu, il s’est tenu écarté un mois de cette « matière vivante » avant de s’atteler à son travail de mixage. Quant à Jérôme, dont on apprécie d’habitude la prodigalité envers les critiques, il se cantonne, pour ce quatrième album, à une pose réflexive. Parmi les membres de la rédaction, nul autre album du trio n’aura suscité plus de positions partisanes. Les inconditionnels crient au génie. Les moins fervents crient au scandale. Si l’on souhaite adopter une position médiane, on admettra qu’avec « Retour sur Terre », JUDOKA nous impose, par une étonnante force d’attraction à la loi de la pesanteur. Leur album est pesant, oppressant, pour ne pas dire « enfouissant ». Tout se passe, dans ce quatrième opus, comme si les JUDOKA voulaient nous immobiliser au sol, en laissant, comme seule espace de vie possible, comme seul espace de liberté, la possibilité unique de creuser et d’aller chercher plus profond encore en nous-mêmes. Introspectives, les basses de Julien sont des basses lourdes et sèches. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les basses très enracinées des immuables « Fais tourner » et « Un par un ». Véritablement, jamais album de JUDOKA ne nous aura fait autant mordre le tatami et sa poussière. Et puis, avec la poussière, jamais album de JUDOKA n’aura autant joué avec le feu et la passion. Autant dire tout de suite que la passion qui se libère de ce quatrième opus n’a pas de précédent dans la discographie du groupe. Mais c’est une passion si singulière qu’elle peut troubler, une passion si régressive qu’elle peut gêner, une passion si violente qu’elle est à redouter. Demandons au moins fervents défenseurs de JUDOKA 4 de saisir tout ce qu’a de ténébreux, de fantastique, voire, de psychanalytique, le tragique « autre monde » qui sait renouer, sans fioriture, avec les opéras d’Amadeus et notamment Don Giovanni. Depuis l’avènement du rock, nous n’avons pas souvenir, en France, d’un groupe qui se soit approché à ce point de l’épicentre de la tragédie et de l’opéra. Avec « autre monde » nous ne sommes plus seulement revenus sur Terre, nous avons franchi la ligne, nous nous sommes ensevelis, nous sommes passés dessous la Terre. Allégorique et prémonitoire si l’on en juge par la « La nuit du crocodile », avec « autre monde », nous terminons ce qui a tout lieu d’être une catarsis. Nés de la poussière, la voix de grand commandeur nous rappelle à la poussière et à ce que nous sommes une fois délivrés de nos errances. Nous ne sommes que de sang, nous ne sommes que de chair, et nous ne sommes que ce sang et cette chair articulés autour de mondes d’acier, de bois, de marbre. Vous l’aurez compris, la tangente et la médiane sont des positions difficiles à tenir au regard de cet opus probablement transitoire mais résolument à part de JUDOKA. Nous l’admettons, inconditionnels convaincus, nous ne saurions, nous, que trop recommander ce « Retour sur Terre », album ardu, qui nous épargne peu, mais pour une écoute parcimonieuse, à raison d’une fois par an seulement, comme ces pépites musicales du passé que l’on ne saurait comprendre immédiatement et que l’on craindrait de trop user à écouter sans modération. « Retour sur Terre », « on dirait un château fort de méchant avec un dragon dedans », à en juger par ce qu’en dit le fils de Dominique. Et si c’était lui qui avait raison ? JUDOKA 4 : un conte maudit pour adultes ?